Famille Nombreuse, par Chadia Chaïbi Loueslati

Le retour des chroniques sur des romans graphiques !

Bonjour !

Cela faisait un petit moment que je n'avais pas trouvé l'inspiration et l'envie d'écrire. Mais elles reviennent petit à petit, alors ne perdons pas plus de temps pour parler d'un roman graphique acheté lors du Salon de la Bande-dessinée et des Arts graphiques de Roubaix ! Famille Nombreuse est le premier roman graphique de Chadia Chaïbi Loueslati, et il a remporté le prix du meilleur premier album au Salon de la BD de Roubaix. Lors de cet évènement, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'auteure en dédicace et de discuter avec elle, ce qui m'a donné de beaux aperçus de ce que pouvait être une famille nombreuse. Son roman graphique met en exergue la complexité mais aussi la joie d'avoir de nombreux frères et sœurs.

Chadia raconte l’histoire de sa famille et de ses parents, le Daron et Omi qui, ayant quitté la Tunisie, sont venus s’installer en France dans les années 1960. C’est une saga familiale, la découverte d’un pays et de toutes ses bizarreries culturelles et administratives au travers de l’épopée d’une famille immigrée. La ténacité et le courage, l’humour et la chaleur de cette famille nombreuse, le talent de l’auteure font de ce livre une œuvre originale et passionnante. (Synopsis issu du site de l'éditeur)

       

Chadia est la sixième d'une fratrie de douze enfants (aujourd'hui onze, d'après la première page du roman graphique). C'est principalement à travers ses propos que nous suivons la vie de sa famille grandissante, et je dis "principalement" car l'histoire commence alors que le Daron trouve un travail en France, devant au départ y aller seul. C'est après trois enfants avec Omi que la famille pourra se réunir en France, au début des années 1970. Le contexte est certes planté, mais le roman graphique est loin d'être terminé, et la famille aura son lot d'ennuis au fil des naissances, qu'il s'agisse des questions du logement ou de l'argent par exemple. C'est à partir de la naissance de Chadia que, en toute logique, la bande-dessinée se présente comme plus personnelle. On suit majoritairement l'auteure enfant au fil du temps, comprenant alors les problématiques liées à l'école, aux amis, à l'héritage culturel, mais surtout à l'organisation du temps et des moyens de la famille.


Cette bande-dessinée autobiographique se découpe par tranches de vie et par anecdotes, dans lesquelles Chadia Loueslati laisse parfois libre cours à son imagination pour schématiser, composer ses planches à la manière d'un atlas, ou prendre des libertés de composition tout à fait intéressantes. Par ailleurs, même si une grande partie de l'album est écrite sur un ton désuet ou le ton de l'humour, l'auteure ne perd pas de vue l'idée de rapporter dans la narration des phrases qui lui ont réellement été dites, le regard des autres, ou des situations qui sont parfois compliquées.

« Trois enfants, c’est déjà une famille nombreuse ! »

– Chadia Chaïbi Loueslati, lors de notre échange le 20 mai 2017.

Famille Nombreuse se présente comme un roman graphique en noir et blanc avec, à la manière d'un Chat du Kimono de Nancy Peña, des rehauts d'une couleur supplémentaire pour rythmer l'ensemble. Contrairement au rouge de Peña, c'est ici le jaune qui ensoleille les pages, apportant une touche supplémentaire de vie à l'ensemble. Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai une affection particulière pour les romans graphiques, car à l'inverse de la bande-dessinée franco-belge standard, on peut ouvrir à souhait le champ des possibles. Cela peut se caractériser par la longueur de l'ouvrage, par le dessin (ici en ligne claire très efficace), par la composition des pages ou encore le jeu des séquences. J'ai vraiment eu le sentiment, en lisant Famille Nombreuse, que Chadia Loueslati a pris beaucoup de plaisir à jouer avec la composition de ses planches. Ainsi, vous pouvez voir par exemple une planche recouverte de tickets de métro parisien jaunes, des pleines pages à foison, du motif, des aplats, le tout pour couronner des dessins expressifs à souhait. De cette manière, Famille Nombreuse ne perd pas son rythme où tout se bouscule, s'entrechoque à une vitesse qui semble folle. Les bulles sortent de partout, les onomatopées aussi, et le tout évoque bien la famille nombreuse vivante que l'auteure veut nous montrer.

Des propos toujours tristement d'actualité.

À travers un roman graphique a priori en un tome, Chadia Loueslati relate la vie de sa famille. En mettant à plat les souvenirs communs de sa grande fratrie, elle nous parle d'organisation menée à la baguette et d'anecdotes marquantes et ce, plus ou moins objectivement (selon les situations), afin de donner un grand coup de pied dans les préjugés auxquels elle a dû faire face en étant petite (et qui sont encore bien trop présents aujourd'hui). Les sceptiques le seront sans doute encore face au résumé de la bande-dessinée, mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, Chadia Loueslati n'a pas donné vie à Famille Nombreuse pour se plaindre des probables inconvénients naissant d'une grande fratrie. Elle fait, au contraire, état de la vie telle qu'elle est dans ce cas de figure : chronométrée, organisée, sportive. Voyez plutôt Famille Nombreuse comme un manifeste ; Chadia Loueslati, en signant cet album, révèle qu'elle connaît les rouages de cette vie. Et c'est comme si elle s'adressait à toutes les familles nombreuses pour leur dire qu'elle sait, autant qu'elle s'adresse aux ingénus pour leur montrer ce que c'est. Dans les deux cas, on n'en ressort pas indifférent.

À très bientôt !

Blog de Chadia Chaïbi Loueslati : Les croquis du loup

Site de Chadia Chaïbi Loueslati : Loueslati

© Loueslati, Marabout.

Fiche informative :

• Titre : Famille Nombreuse
  
• Scénario et dessin : Chadia Chaïbi Loueslati
• Pages : 192
• Éditeur : Marabout (Collection Marabulles)
  
• Prix éditeur : 17,90€
• Année d'édition : 2017
• ISBN : 978-2-501-11351-9

Les images contenues dans cet article sont issues de l'ouvrage dont il est question ici, à l'exception de la photographie d'introduction qui m'appartient.