They're not like us T1, par Stephenson, Gane et Bellaire

On enchaîne les comics et graphic novels, dis donc !

Salut, toi !

Aujourd'hui, j'écris cet article au sujet d'une nouvelle bande-dessinée que j'ai acheté sur un coup de tête, en me fiant essentiellement à la couverture qui est très intéressante et au style graphique plutôt particulier (je devrais faire une catégorie à part entière des "coups de tête" car cela devient une part de ma ligne éditoriale !). J'ai ainsi découvert le comic They're not like us en même temps que sa maison d'édition française, que je ne connaissais pas avant. Une chose est sûre en tout cas ; je connaissais d'ores et déjà bien son éditeur US étant donné qu'il s'agit, encore une fois, d'Image Comics (à qui je voue une confiance absolue) ! C'est parti !

Il n'y a pas d'espoir pour le futur parce que les jeunes ne pensent qu'à eux-mêmes. Ils n'ont aucun respect pour l'autorité. Ils pensent tout savoir. Ils sont arrogants et inconséquents. Ils veulent tailler le monde en pièces. Dans une période pleine de nouvelles possibilités mais gangrénée par la déception, la jeunesse change. Ils agissent différemment et ont des pouvoirs dont nous pouvons à peine rêver... (Synopsis issu de la quatrième de couverture) 


Derrière ce résumé un peu obscur se trouve "Syd", une jeune femme blonde qui veut mettre fin à ses jours en se jetant du haut d'un immeuble. Après sa chute à laquelle elle survit, elle s'échappe de l'hôpital où ses parents la forçaient à rester (pour ses "problèmes") avec l'aide d'un homme mystérieux en costume se faisant appeler La Voix (sans blague !). Commence alors l'intégration de Syd au sein d'une double maisonnée où elle devra cohabiter avec dix autres personnes aux capacités exceptionnelles, dont La Voix est le guide.

Si cette sorte de X-men-like pourrait nous interroger sur l'originalité du scénario (car oui, je me suis au départ dit que des histoires de gens paumés à cause de leurs pouvoirs et qui finissent par cohabiter ensemble pour maîtriser ceux-ci et se soutenir mutuellement, ça court quand même beaucoup les rues et qu'on en a vu des tonnes), They're not like us tente de prendre cette tendance à revers en ne faisant pas de ses protagonistes des justiciers ou des super-héros. Comme les héros qui sont déjà bien ancrés dans la culture populaire, les personnages de They're not like us ont souffert de leurs différences. Syd, par exemple, est télépathe et entend une quantité incroyable de voix qui se bousculent dans sa tête, ce qui mène ses parents à penser qu'elle est "folle". Il la forçaient donc à suivre des traitements lourds pour pallier à cela. Syd, à bout, veut de ce fait mettre fin à ses jours, avant que La Voix ne la trouve. Les autres personnages dotés d'abilités spéciales ont tous souffert d'une manière ou d'une autre de leur différence. La Voix les accueille dans deux grandes maisons afin qu'ils se sentent chez eux et qu'ils apprennent à maîtriser leurs pouvoirs.


Jusque-là, on part sur un scénario très proche de plusieurs autres, mais le scénariste, Eric Stephenson, explore alors l'idée de la violence et de la criminalité. En effet, les personnages, et bien qu'ils ne choisissent par leurs cibles au hasard, révèlent leurs pouvoirs au service de la violence, et parfois en pleine rue (sans jamais être pris sur le fait, car Moon a le pouvoir de créer des illusions incroyables). Ils se défoulent, tabassent, tuent, "parce qu'ils le peuvent" (et aussi parce que la rancœur et le rejet de l'autre peuvent tout à fait les faire agir ainsi). Et ils y prennent un grand plaisir, oui, mais je ne suis pas certaine que ce soit inhérent à leur génération ou à leur jeunesse (comme le laisse entendre le synopsis du comic, que j'ai trouvé assez réducteur après ma première lecture de l'ouvrage). Cette soif de violence et cette organisation particulière autour des passages à tabac et des assassinats s'explique sans doute autrement, ce que vous pourrez comprendre au fil des pages, et ce qui mène par ailleurs Syd à s'interroger sur sa place dans ces maisons.


Je passe beaucoup d'éléments de la narration et de personnages sous silence afin de ne pas en dire trop et de vous laisser découvrir par vous-mêmes l'intérêt de cette histoire. Ce que je peux dire en revanche, c'est que j'ai eu assez de mal à trouver mes marques parmi tous ces personnages aux capacités spéciales et ce, notamment à cause de leur caractère. Conformément à l'histoire, tous semblent cacher quelque chose, et si on ne sait pas exactement quoi, on peut le sentir grâce aux expressions ou aux gestes que Simon Gane leur a dessinés. En effet, Syd arrive alors que les autres personnages ont déjà leurs marques, et même si on en apprend parfois sur les personnages autrement que par le prisme de l'héroïne, c'est souvent à travers les actions la concernant que l'on découvre les évènements. Difficile pour moi de m'attacher à des personnages si mystérieux pour l'instant, donc, mais j'espère que le deuxième tome sera plus révélateur de ce côté-là !

Concernant l'aspect formel, maintenant, on reste sur un objet-livre plutôt classique pour un comic (ou graphic novel). Ici, la hauteur et l'épaisseur s'approchent beaucoup de celles des récents volumes publiés chez Glénat Comics (n'oublions pas que nous sommes ici chez Jungle Comics), ce qui n'est pas pour me déplaire car cela fait très cohérent dans mon espace comics indépendants dans ma bibliothèque (et ce, même si j'adore avoir des formats particuliers).
Au sujet du dessin, le trait de Simon Gane est agréable à regarder, et a une dimension graphique toute particulière. S'il semble aimer jouer sur les traits, les hachures et les épaisseurs, on remarque que parallèlement certains reliefs sont annulés (comme les vêtements, par exemple, qui parfois semblent collés à la peau de leurs possesseurs malgré le foisonnement de plis que l'on voit à l'intérieur des contours). Le dessin, souvent brut, parfois délicat, parfois tremblotant, même, se marie donc à merveille avec les couleurs de Jordie Bellaire, coloriste notamment connue pour son travail sur Nowhere Men (Delcourt) ou Injection (Urban Comics) par exemple. Ici, en effet, Bellaire se concentre sur des correspondances de couleurs un peu étranges mais intéressantes. Pour les décors, elle n'hésite pas à passer de couleurs simples au kaki, à l'ocre voire au cramoisi, et cela pour compenser les couleurs des personnages qui semblent à mon sens plus travaillées. Elle procède d'ailleurs à un travail intéressant des cheveux clairs, comme ceux de Syd ou de Blurgirl, où le contour n'est plus noir mais jaune foncé afin de ne pas encombrer la clarté de leur chevelure. Malgré tout, le rendu n'est pas censé ici apporter de la tri-dimension aux personnages qui sont parfois à peine ombrés. La couleur fonctionne par ailleurs très bien de cette manière car le trait de Simon Gane est déjà foisonnant de traits !


Avec They're not like us, Jungle Comics change de sa gamme censée faire "rire petits et grands", comme indiqué sur leur compte Twitter. L'auto-proclamé "Éditeur de bonne humeur" revoit son postulat en travaillant sur un roman graphique certes ancré dans une certaine conception de la jeunesse, mais bien moins drôle que ce à quoi on pourrait s'attendre. En regardant d'autres publications de Jungle, on peut voir que leurs travaux se diversifient et s'ouvrent toujours plus, ce qui a permis à They're not like us d'arriver en France (et c'est très bien !).
Si je redoute la tournure trop simpliste que pourrait prendre l'intrigue au fil des volumes, je reste confiante en me disant que le fait d'exploiter le côté sombre de jeunes exclus à cause de leurs pouvoirs (au point d'en faire une bande organisée) est intéressant, et mérite d'être poussé à son paroxysme. J'ai bon espoir que Stephenson veuille mener ses personnages dans quelque chose de plus construit qu'une vague critique de la jeunesse actuelle. Pour l'heure, et c'est pour cela que j'ai peur de la suite à venir, les protagonistes vivent comme des parias et certains s'y complaisent même. En même temps, comment ne pas penser au mouvement punk en lisant le sous-titre de ce premier album intitulé "NO FUTURE" ?

Allez, à bientôt !





© Stephenson, Gane, Bellaire /
Jungle Comics
Fiche informative :

  • Titre : They're not like us T1 - NO FUTURE
  • Scénario : Eric Stephenson
  • Dessin : Simon Gane
  • Couleurs : Jordie Bellaire
  • Pages : 144
  • Éditeur : Jungle Comics
  • Prix éditeur : 17,85€
  • Année d'édition : 2017
  • ISBN : 978-2-822-21597-8

Les images contenues dans cet article sont issues de l'ouvrage dont il est question ici, à l'exception de la photographie d'introduction qui m'appartient.

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