Azolla, par Karine Bernadou

Rien de tel que du bleu pour cet été !

Salut à toi, amateur de BD !

Aujourd'hui j'ai très envie de vous parler d'un énorme coup de cœur sorti en mai dernier, que j'ai dévoré quasiment dès sa sortie. Je suis tombée par hasard sur un bon conseil au sujet de cet album sur Twitter, et je ne me suis pas fait prier une fois que j'avais lu les premières pages sur le site Bedetheque. Parlons d'Azolla, de Karine Bernadou, roman graphique à penchant érotique mais ne manquant pas pour autant de poésie.

 
Seule dans sa demeure, bien trop grande, bien trop vide, Azolla vit des heures sombres ; l’être aimé est parti et l’attente est longue, trop longue… Oubliée, Azolla, abandonnée, ou pire? Que peut-elle faire quand l’espoir lentement s’amenuise et que des rêves bien sinistres envahissent ses nuits… Se diviser, se multiplier, ou, comme une irrépressible faim devenue femme, se transformer en mangeuse d’hommes? (Synopsis issu du site de l'éditeur)



Si l'on s'intéresse un peu à la botanique, on apprend que l'azolla est un genre unique de plante aquatique. On l'utilise notamment comme engrais biologique pour les cultures dans les rizières (depuis au moins mille ans !), car elle prolifère, envahit, bloque la lumière par sa masse et fixe l'azote. Quel rapport avec l'héroïne du roman graphique dont je parle aujourd'hui ? Eh bien, Azolla, comme la plante, aime son compagnon si fort qu'elle se démultiplie pour lui. En effet, Azolla est bien plus grande que son amant, et il souffre beaucoup du regard des autres. Pour le rassurer, Azolla se tranche alors en deux, mais ce faisant, et comme l'hydre de Lerne, une nouvelle version d'elle apparaît. Puis deux, puis trois, et c'est toute la maison qui est envahie, étouffant l'homme qui partage sa vie.
 
Je me suis intéressée de très près à ce roman graphique car j'ai rapidement constaté qu'il n'y avait pas de texte "évident" dans ses pages, c'est-à-dire pas de texte parlé ou pensé. Ne restent que les onomatopées correspondant plutôt aux bruits, et autres indications textuelles telles que le titre par exemple (et pour ceux qui me connaissent et qui se posent la question, oui j'ai réussi à le caser quelque part dans mon mémoire de recherche !). Et quand des phylactères (ou bulles) apparaissent dans les pages de cette bande-dessinée, elles sont soit remplies par de la ponctuation ("?" ou "!"), soit par un dessin par lequel passe le sens de la parole (ce qui fait de la bulle une mise en abyme intéressante). La presque absence totale du texte fait que toute la narration passe par l'image, et ce n'est pas plus mal, car l'interprétation est un peu plus libre pour le lecteur (bien que l'histoire soit tout de même orientée).

On a là un travail de couleurs tout à l'aquarelle, dans les tons bleus principalement avec plusieurs rehauts de rouges. Les contours sont fins et à l'encre noire, témoignant d'un trait précis de la part de Karine Bernardou. Aucun cerne noir en guise de case, les images se délimitent à elles seules, s'entremêlent, se répondent, et s'insèrent dans des pages qui font partie d'un code de narration bien précis. Par exemple, quand la question du regard des autres est soulevée, ou quand des craintes ou des angoisses surgissent, les lignes du plancher se courbent, le décor devient fou. De plus, et cela a beau être peu perceptible, mais la couleur des pages change entre le blanc et un blanc plus cassé, nuançant alors les évènements (quand ils se passent, s'ils se passent vraiment, s'il s'agit d'un rêve...).

Tout dans ce roman graphique est calculé, et au bout de plusieurs lectures j'ai encore pu découvrir des sujets traités et merveilles cachées. Bernadou a fourni un sacré travail de composition (et de décomposition) des pages et des images afin que la narration ne nécessite peu ou pas du tout de texte. Le fait que le texte écrit soit essentiellement des indications de bruit est intéressant aussi, puisque s'imaginer le bruit casse avec cette sorte de plénitude apportée par des dessins sans paroles écrites. Mais je m'égare !

Si vous souhaitez découvrir une histoire onirique et empreinte d'érotisme de la part de son héroïne, foncez lire Azolla. Au-delà de superbes dessins et d'un objet-livre très chouette, vous pourrez y lire une histoire qui soulève des questions, et qui entre dans une psychologie du personnage pour le moins en marge de ce que l'on a l'habitude de voir en bande-dessinée.






A bientôt !





Le blog de Karine Bernadou : Karine Bernadou





© Bernadou, Atrabile
Fiche informative :

  • Titre : Azolla
  • Scénario et dessin : Karine Bernadou
  • Pages : 120
  • Éditeur : Atrabile
  • Prix éditeur : 23,50€
  • Année d'édition : 2016
  • ISBN : 978-2-88923-045-7

  
Les images contenues dans cet article sont issues de l'ouvrage dont il est question ici, à l'exception de la photographie d'introduction qui m'appartient. 

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