California Dreamin', par Pénélope Bagieu


Bonjour bonjour !

Aujourd'hui, je reviens sur une lecture de 2015, que j'ai relu très récemment pour ne pas m'ennuyer sur le trajet de mon job d'été. Et puis, je me suis souvenue que j'avais toujours voulu écrire un article sur cette merveille de presque 300 pages signée Pénélope Bagieu. Rêvons de Californie ensemble, après tout, c'est lundi !

Ellen Cohen rêve de devenir chanteuse. Sa voix est incroyable, sa personnalité aussi excentrique qu'attachante, son besoin d'amour inextinguible. À l'aube des années 1960, elle quitte Baltimore pour échapper à son avenir de vendeuse de pastrami et tenter sa chance à New York. (Synopsis issu de la quatrième de couverture)


California Dreamin' raconte la progression d'Ellen Cohen, qui n'est autre que Cass Elliot, de son petit lycée de Baltimore jusqu'au devant de la scène nationale et internationale. Pénélope Bagieu, à travers son roman graphique qui lui a demandé deux ans de travail, relate de façon plus ou moins avérée les évènements charnières de la vie de cette jeune femme qui avait une influence folle dans le monde de la musique, notamment avec son groupe The Mamas and The Papas. Chaque chapitre est abordé à travers le point de vue d'une personne qui est plus ou moins proche de la protagoniste. Jamais aucun chapitre ne sera écrit du point de vue de la chanteuse, sauf peut-être le tout dernier qui n'a justement pas de nom en guise de titre, et qui indique sobrement "18" (on peut se demander alors s'il s'agit du point de vue de Mama Cass, ou d'un point de vue plus large, ou encore d'un point de vue interprétatif de Bagieu ; on y reviendra plus tard). Du reste, on commence par le discours de sa sœur, Leah, puis de ses amis, son père, ses collègues, etc. Les cartouches de narration, bien présents au départ, laissent peu à peu place à l'action dans laquelle le centre d'attention reste Mama Cass. Le fait de justement écrire chaque chapitre en prenant le point de vue d'un proche de Cass Elliot, et non pas directement le sien, permet à la fois de mettre une mise à distance, mais aussi de témoigner les sentiments, souvent positifs, que le personnage envers elle.

On ne peut d'ailleurs que s'attacher à cette jeune femme solaire, qui rayonne par sa bonne humeur, son humour sans faille et sa volonté de réussir dans le monde de la comédie musicale, peu importent les obstacles qui se mettent en travers de son chemin. Et même si le cours de la vie en décide autrement, au fil des rencontres et des groupes, elle oublie la comédie musicale et devient le ciment des Mamas et des Papas.

La (très chouette) particularité visuelle de cet album est sans conteste l'usage du crayon graphite, qui a été au centre du dessin tout au long des pages. Pénélope Bagieu a travaillé avec trois mines différentes, afin d'obtenir des gris ou des noirs plus ou moins intenses. Alors que nous avions l'habitude d'apprécier le travail de l'autrice à l'aide de sa tablette graphique, elle a ici choisi de la laisser tomber pour éviter de s'ennuyer durant les mois de travail sur l'album, et pour s'apporter un challenge supplémentaire. Ici, exit la gomme et la couleur qui étaient selon elle des facilités à lier le dessin au scénario. California Dreamin' nous donne à voir de la matière, des formes, des traits, des erreurs et des repentirs tout à fait appréciables car ils font partie intégrante de ce défi. Le trait au crayon rend les dessins vivants, et clairement moins figés comme peuvent l'être des dessins "au propre".

La composition des pages est fluide, et on n'en attend pas moins de Bagieu qui maîtrise à merveille l'enchaînement de ses images. J'aime plus particulièrement les moments où le groupe est sous stupéfiants en écoutant de la musique, en chantant et en dansant. Le texte s'y mêle aux images, sans cerne ni case, et malgré tout la lecture n'est pas complexe. Ces séquences plus ou moins libres s'allient très bien au trait de Pénélope Bagieu, ici tantôt fin et clair, tantôt vif et éparpillé. C'est justement ces notions opposées mais complémentaires qui évoquent la vie dans le dessin comme je le disais plus tôt. Ce trait, comme Cass Elliot, est vivant comme il est imprévisible.


Ce roman graphique ne raconte pas tant l'histoire d'un groupe, mais plutôt celle du cheminement d'une personne, Cass Elliot, jusqu'à ce que l'on connaît des Mamas et des Papas. N'oublions pas que California Dreamin' n'est pas censé être une bande-dessinée biographique comme on pourrait en trouver beaucoup, car l'autrice s'est volontairement empêché de trop chercher. Alors que Mama Cass a fait couler énormément d'encre, Pénélope Bagieu s'est contenté de peu d'informations, et vraiment de données phares afin de pouvoir plus librement broder autour, faisant de California Dreamin' une bande-dessinée plus personnelle et propice à l'interprétation.

Je ne peux que vous recommander de lire California Dreamin', qui semble avoir amorcé, d'une certaine manière, le travail dessiné de Pénélope Bagieu autour de femmes qui ont révolutionné l'histoire (cf. ses Culottées). Bagieu a suffisamment aminci la limite entre interprétation et réalité pour que ses libertés d'écriture ne sautent pas aux yeux (dans le sens où elles ne semblent pas trop déconnectées des faits réels). On peut donc se laisser emporter dans l'histoire de Mama Cass, sans avoir l'impression de lire un biopic trop strict, et ressortir de cette expérience en ayant quand même appris de belles choses. Bien entendu, l'immersion se fait encore mieux quand on a comme fond musical les plus belles chansons des Mamas et des Papas !



À très bientôt !




© Bagieu, Gallimard.
Fiche informative :

  • Titre : California Dreamin'
  • Scénario et dessin : Pénélope Bagieu
  • Pages : 276
  • Éditeur : Gallimard
  • Prix éditeur : 24,00€
  • Année d'édition : 2015
  • ISBN : 978-2-070-65758-2


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