Amer Béton (Intégrale), par Taiyou Matsumoto

Parlons peu, parlons bien.
• Avant de commencer, petite musique d'ambiance
Bien le bonjour !

Aujourd'hui je reviens sur ce que j'ai dit dans mon article de présentation pour parler d'un monument du manga. Eh oui, il fallait bien que je parle d'un de mes manga préférés, d'un de mes mangaka préférés, d'une de mes adaptations en long-métrage préférées, j'ai nommé Amer Béton. Comme pour Persepolis, j'ai découvert Amer Béton en voyant le long-métrage animé avant de lire son modèle. Une amie m'avait dit qu'il fallait absolument que je regarde ce chef-d'oeuvre du Studio 4°C. J'ai attendu un certain temps (entre les oublis, les autres occupations, etc.) avant de m'y mettre mais ça valait franchement le coup. Tant et si bien que je l'ai regardé de nouveau avec ma sœur (désormais convertie aussi) à peine quelques jours après !

J'aime particulièrement les collections de montres et
de chapeaux de Blanko !
Mais trêve de blabla sur le film d'animation (dont je parlerai brièvement à la fin de cet article), parlons avant tout de l'ouvrage en lui-même. Quand j'ai connu Amer Béton, je me suis demandé : "pourquoi un tel titre ?". Alors je tenais à vous offrir une explication digne de ce nom ; il s'agit avant tout d'une référence par l'auteur envers lui-même quand il était enfant. En effet, "béton armé" se dit en japonais "tekkin concrete". Or, enfant, Taiyou Matsumoto disait "tekkon kinkreet". Le titre a été conservé dans sa version originale dans de nombreux pays, mais en France il a été traduit par "amer béton", et l'inversion de syllabes est restée ! Je ne suis pas souvent pour les traductions de titres en français, car on en trouve bien souvent des malhabiles ; mais celle-ci reste vraiment dans cette veine du clin d’œil. On retient donc facilement ce titre qui sonne très bien.

Place à l'histoire maintenant ! Noiro et Blanko, deux orphelins, vivent dans les rues de Takara. Malgré leur jeune âge, ils survivent dans ce quartier dominé par la pauvreté, la corruption et la violence. Ensemble, ils tiennent tête à un groupe de yakuza bien déterminés à asseoir leur domination sur la ville. La lutte pour la survie du quartier sera âpre et est loin d'être gagnée d'avance... (Résumé du site de l'éditeur)

Les illustrations des chapitres sont tout
simplement superbes.
On est projetés dans une ville un peu comme nos grandes villes, mais un peu différente en même temps. Takara (en japonais Takaramachi, qui signifierait Trésorville) est une immense ville de béton surplombée par de hauts bâtiments de toutes les couleurs. Les rues sont dominées par Noiro et Blanko (Kuro et Shiro, en japonais), également appelés "les Chats", qui font la loi et maintiennent l'ordre en tabassant quiconque veut du mal à Takara. Ils en connaissent du monde, et ça va des policiers du quartier aux voyous plus âgés qu'eux, en passant bien sûr par les SDF atteints par la vieillesse. Quand un yakuza nommé le Rat (Nezumi, en japonais) réapparaît dans le coin, les enfants deviennent méfiants, en particulier Noiro. Car en effet, les yakuza ont un plan pour dominer Takara, en s'alliant avec un certain étranger nommé Serpent (Hebi, en japonais), qui a des méthodes drastiques pour gagner un maximum d'argent dans cette ville précieuse.

Bien que pas mal de choses sortent de l'ordinaire dans l'histoire (les enfants qui sautent très haut et parfois volent, qui se battent mieux que des yakuza ; les méchants super forts qui se propulsent littéralement pour aller d'un point A à un point B ; les survivants aux blessures censées être mortelles...), Matsumoto nous offre ici une vision de la vie que l'on mène dans ces grandes villes. La corruption, la violence, la noirceur du monde sont omniprésentes. Mais elles sont également accompagnées de la naïveté, de la pureté et de la candeur.

A ce titre, Noiro et Blanko représentent les deux visages de la ville. Ils sont, comme le Yin et le Yang, complémentaires et indissociables. Alors que Noiro, plus âgé, s'occupe de Blanko pour le préparer à la dureté du monde, Blanko, lui, fait tampon sur les idées noires de son camarade en restant immaculé. Comme dit Blanko dans le manga, "il manque des vis à Noiro, c'est Blanko qui les a". Leur relation très puissante est ce qui les mène à se déchirer mais aussi à être plus forts. C'est cette amitié presque fraternelle qui est touchante.


Parlons un peu plus du travail de Matsumoto, maintenant. Je serais presque tentée de parler de manga-slash-roman-graphique quand je lis Amer Béton. La composition des pages et le découpage rappellent le manga, certes, mais il s'agit ici d'un travail plus libre qui se libère des codes japonais, d'un travail presque cinématographique. Le mangaka n'hésite pas à étirer ses cases pour nous offrir des plans larges et surchargés de détails. Je ne vais pas m'attarder sur la richesse de ces détails, mais certaines cases offrent des multitudes de choses à voir, ce qui remplit parfois entièrement les plans ! Ceux-ci sont d'ailleurs toujours dynamiques, et jamais on ne se lasse d'une case à une autre. De plus, afin d'accentuer cette dualité noir/blanc, on a peu de trames et de niveaux de gris ; Matsumoto préfère l'usage des noirs profonds, du travail en traits, et des espaces laissés blancs.

Je commence à m'étendre, alors je vais dire quelques mots rapides sur l'adaptation en long-métrage de ce manga. C'est Michael Arias qui a réalisé ce projet de titan, avec le très célèbre Studio 4°C. Le film d'animation est sorti en 2006, et je pense l'avoir regardé quatre ou cinq ans après (et je regrette d'avoir attendu si longtemps !). Bien que d'une durée d'une heure cinquante, le film a réussi à regrouper tous les évènements essentiels de l'histoire, et très peu de découpage a été fait dans la trame d'origine. La musique a été composée par Plaid et donne cette ambiance nébuleuse à Takara. Ce que je préfère particulièrement dans ce film, ce sont les scènes rêvées de Blanko qui sont magiques, et les plans incroyables sur la ville vue du ciel et tous ses buildings et constructions pastels. Je vous laisse juges : Trailer !

Que de détails !

Je crois que vous avez compris qu'Amer Béton est devenue une histoire institutionnelle pour moi, tant par le manga que par le film. Matsumoto nous rappelle que l'obscurité totale ne peut exister, car il persistera toujours de la lumière, et l'inverse vaut également. Même si les plus terre-à-terre peuvent se sentir un peu déboussolés par cet univers un peu dérangeant, le message de fond a sa grande part de vérité. Je pense que je ne me lasserai jamais de relire le manga ou de revoir encore et encore le film (alors imaginez un peu ma réaction quand il a été projeté à une Nuit de l'Anim' de Lille !).

Qu'attendez-vous pour vous laisser porter par cet univers qu'est celui d'un mangaka de talent ?




© Matsumoto, Tonkam
Fiche informative :
  • Titre : Amer Béton (Intégrale)
  • Scénario et dessin : Taiyou Matsumoto
  • Pages : 610
  • Éditeur : Tonkam
  • Prix éditeur : 29,99 euros
  • Année d'édition : 2007 (1996-97 première édition française en 3 volumes, 1993-94 au Japon)
  • ISBN : 978-2-75950-007-9



Les images contenues dans cet article sont issues de l'ouvrage dont il est question ici, à l'exception de la photographie d'introduction qui m'appartient.

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